Critique de Marie Tran, notre collaboratrice, auteur-journaliste française. La critique est rédigée spécialement pour ce blog.
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C'est une histoire de contrefaçon entre personnes du beau monde – celui du luxe - où l'on préfère parler de concurrence déloyale. Une histoire qui, en fin de compte, se termine par une sorte de gentlemen's agreement, même si cela est allé jusque devant les tribunaux, ceux de New York en l'occurrence.
Retour en arrière : avril 2011, les maisons Yves Saint Laurent et Christian Louboutin s'opposent pour une histoire de semelles de chaussures… rouges. Rouges comme celles vues dans la collection – américaine - printemps-été 2011 d'Yves Saint Laurent.
Yves Saint Laurent
« Concurrence déloyale et violation de marque commerciale » accuse alors le créateur Christian Louboutin. Et ses avocats de justifier : toutes les fashionistas savent que ce vernis écarlate sur la semelle d'un soulier est le signe distinctif de la marque de chaussures française, l'assurance de porter une paire de chaussures sexy et chic signées Louboutin, grâce à cette fameuse semelle, mais aussi, il est vrai, des talons très hauts perchés. Certains modèles grimpent jusqu'à 16 cm.
Christian Louboutin
Cette « caractéristique », c'est la « grande idée » de Christian Louboutin. Il y travaille depuis 1992 et a défendu son territoire en chassant impitoyablement toute contrefaçon de semelles rouges !
Christian Louboutin et les prunelles de ses yeux.
Oertwig/Schroewig/ABACA
La filiale américaine d'Yves Saint Laurent n'aura pas échappé à la règle. D'autant qu'aux États-Unis, depuis que Carrie Bradshaw, Sarah Jessica Parker (l'héroïne de la série Sex and the City) a vanté le pouvoir d'attraction des vertigineux Louboutin, que Lauren Weisberger (le Diable qui s'habille en Prada) a également avoué sa dépendance, la marque est devenue très red carpet. Kate Moss, Kristin Scott Thomas, Monica Bellucci, Angelina Jolie, Elizabeth Taylor… Vingt après sa création, Christian Louboutin peut se vanter de chausser les femmes les plus « influentes »… Et pas la peine de leur demander la marque de leurs chaussures… La semelle rouge est toujours là, en signature.
L'effet star joue forcément sur les chiffres de vente. 700 000 paires de Louboutin se vendent en moyenne par an, dont 240 000 aux États-Unis*, terrain de la discorde. On comprend que Christian Louboutin tienne à ses semelles qui pesaient dans les 135 millions de dollars de chiffre d'affaires en 2011. Débouté de sa plainte dans un premier temps, le tribunal de New York ayant jugé qu'une couleur ne pouvait être considérée comme une « marque déposée », le chausseur français a fait appel. Devant les juges d'appel, en août 2012, les avocats d'Yves Saint Laurent et de Christian Louboutin ont fini par se satisfaire de leur décision. Christian Louboutin sera le seul autorisé à proposer des chaussures à talons et semelles rouges… mais Yves Saint Laurent pourra continuer à commercialiser des escarpins à semelles rouges, à condition que la chaussure entière soit, elle aussi, écarlate !
* La semelle rouge, c'est définitivement Louboutin?
L'Express, 11 aout 2011
Louboutin-YSL : fin de la guerre de la semelle rouge
Le Figaro, 7 septembre 2012
Note du blog :
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